Cela fait plus d'un mois maintenant que nous avons atterri aux Seychelles. Dernièrement une phrase que Max, notre ancien voisin moniteur de voile m'a dit la veille de notre départ m'est revenue: " C'est normal que tu doutes aujourd'hui, mais tu verras, en arrivant aux Seychelles tu te diras que c'était évident, que c'était ce qu'il fallait faire."

Il m'a fallut quelques semaines après l'atterrissage pour en arriver à cette conclusion, mais il avait raison. C'est au lendemain de notre arrivée à Anse Lazio que j'ai eu cette révélation.


Reprenons maintenant l'histoire où je l'avais laissée. Lundi 16 août, nous nous préparions à lever l'ancre dès le lendemain, direction Praslin. Je jouais tranquillement au ballon avec Tao dans un petit parc au bord du vieux port quand je vis approcher un couple que nous connaissons depuis quelques années maintenant. Akim et Pascale. Ils sont arrivés la veille de la Réunion après 8 jours de traversée à bord de Kaerou. On ne le savait pas encore mais nous les reverrons durant notre escapade sur les îles du Nord. Ils resteront aux Seychelles jusqu'à la fin du mois et pensent laisser leur bateau ici un an pour revenir naviguer pendant les vacances.


Mais remettons à plus tard mon projet d'écriture sur les rencontres en mer et revenons pour de bon cette fois-ci au récit des Voyages de Taoumé. Mardi 18, tout est prêt à bord et nous quittons Victoria pour effectuer notre toute première traversée à 3. Des "premières fois", voilà ce qui nous attend ces 15 prochains jours. 25 miles nous séparent de notre destination. Le vent de sud sud-est est établit à 20 noeuds, jusqu'à 28 dans les rafales. On hisse la grand voile (=GV) puis l'artimon, un ris dans chaque, et on déroule les 3/4 du génois. On peut maintenant couper le moteur, le bateau file sous voiles seules à 6 nœuds.


La traversée se passe sans aucun souci, les travaux effectués donnent satisfaction et 4 heures après notre départ nous longeons la côte sud puis ouest de Praslin. La leçon que je tirerai de cette traversée est toute simple: c'est bien de vouloir pointer au vent de l'objectif, mais à trop en faire, on finit plein vent arrière... Cela nous amène à affaler GV et artimon pour continuer d'abord sous génois seul à la vitesse d'un escargot puis de mettre le moteur à moins de 4 miles d'Anse Lazio atteinte en 2ème partie d'après midi.


La houle est suffisamment importante pour nous dissuader de mettre le pied à terre le lendemain. Le roulis au mouillage, thème récurrent en cette 2ème moitié du mois d'août... Tant pis, on en profite pour faire la classe à Tao et un peu de snorkeling en parcourant la petite baie en annexe. Cette activité plaît énormément au petit. Son masque sur le visage, il observe les fonds marins accroché au cou de ses parents et nous montre les poissons qu'il observe. Vivement qu'il arrive à utiliser son tuba, il pourra passer son temps les yeux rivés sur les fonds.


Au 2ème jour après notre arrivée, nous abordons enfin la plage. Notre approche est encore scabreuse mais on progresse. 5 jours plus tard, toujours à Lazio, on maîtrise à peu près l'art du débarquement et surtout du repérage des coins à éviter pour effectuer l'exercice.

Qu'on était bien... Les jours filaient comme l'éclair au rythme de l'école de Tao, du snorkeling, des heures passées sur la plage. Un jour on se promène dans la forêt, sur les hauteurs, un autre on part en expédition sur l'île de curieuse, sanctuaire de tortues terrestres qu'on rejoint en annexe. L'idée de tenter le périple avec notre minuscule moteur de 2.5 CV n'était clairement pas brillante mais tout s'est bien passé.


A Lazio, rien ne pousse à la consommation. Les 2 restos et l'unique petit bar sont continuellement fermés. Ce qui nous décida à regret à quitter le coin, c'est le ravitaillement en produits frais. La petite supérette la plus proche est à 2km à pieds. J'ai fais l'aller retour (extenuant à cause de la pente) un après-midi pendant que Lulu jouait sur la plage avec Tao. J'y ai trouvé des cigarettes mais bien peu de fruits et légumes (Note de Lulu: donc pas d'intérêt)


Nous levons l'ancre dimanche en début d'après-midi, vent dans le nez pour 1 heure de moteur en direction d'Anse Gouvernement. On y trouve un mouillage désert face à une plage déserte, le tout à 10mn d'annexe de la Côte d'Or. Le temps d'assurer le mouillage et on part en exploration à terre. Au retour, j'ai la bonne idée de couper à travers les arbres tout en évitant les hôtels pour revenir à la plage sans avoir à longer la route... Pourquoi Lulu ne me bride-t-elle pas quand je pars dans ce genre de délires ? Elle sait depuis le temps que ça nous mène tout droit dans des situations incongrues et parfois compliquées ! Au moins, l'aventure nous laissera de bons souvenirs et peut être, dans quelques temps, un bon sujet de plaisanteries. Toujours est-il qu'on rejoint notre dinghy (=annexe) un peu avant le coucher de soleil sans le moindre incident (à quelques piqûres de moustique près)


Lundi, la priorité est donnée au ravitaillement. Après un bon repas au resto, on file au supermarché du coin (plutôt une grosse épicerie), on fait le plein de fruits, légumes et poissons sur le bord de la route et on revient au bateau. Durant notre absence, la mer a grossi et le mouillage est maintenant vraiment exposé. Tant pis pour la petite plage déserte, on file s'abriter à 30mn de là dans une petite anse mieux protégée. Étant située au sein d'un parc marin, il faudra partir tôt le lendemain si on veut s'affranchir de la taxe de mouillage. Ça tombe bien, c'est ce qu'on avait prévu.


C'est donc au petit matin que nous prenons la direction de La Digue, vent debout, moteur à 1800 tours. L'état de la mer ce matin indique qu'on a bien fait de changer de mouillage la veille !

Devant l'entrée du petit port, Kaerou est au rendez-vous. On se pose à côté de lui et son équipage vient tout de suite nous saluer en dinghy accompagné de 3 dauphins qui sautent à quelques mètres du bateau.


On ne voit pas très souvent de dauphins: ponctuellement, 2 ou 3 se manifestent, juste ce qu'il faut pour signaler leur présence, tels des anges gardiens veillant discrètement sur la progression du navire. Ce matin là, ils viennent parfaire l'ambiance à bord. Ce 24 août 2021 est important pour nous. C'est la première fois qu'on atterrit sur une île qui nous est totalement inconnue. On n'était pas venu jusque là lors de nos vacances aux Seychelles 4 ans plus tôt.


Le mouillage n'est pas très confortable, cependant, on ne veut pas tenter de prendre une place dans le petit port. La manœuvre en elle-même semble déjà un peu scabreuse pour les apprentis marins que nous sommes et il faudrait en plus jouer des coudes avec les gros catas des compagnies de charter qui ne font pas vraiment preuve de bienveillance lorsqu'on essaie de prendre "leur" place. Mais qu'à cela ne tienne, le mouillage est tout de même sûr, l'ancre et ses 40 mètres de chaîne ne bougent pas, tout va bien.


La Digue est une île vraiment charmante. Très peu de véhicules motorisés, très touristique, plages et nature magnifiques. Une fois quittée la jetée et ses quelques rabatteurs, on y est tranquille. Et quand je dis "très touristique", il ne faut pas s'imaginer la côte d'Azur au mois d'août. OK, on croise beaucoup d'autres européens mais à part à Anse Source d'Argent on ne se marche pas sur les pieds, loin de là. Ici tout le monde circule essentiellement en vélo et il y a tout ce qu'il faut.


Nos journées ici sont bien remplies. On partage le temps entre les balades, les visites et tout ce qui rythme la vie à bord d'un bateau : école pour le petit, recherche de points d'eau pour compléter nos réserves, prendre la météo, surveiller la ligne de mouillage, gratter un peu la coque, suivre les démarches administratives en cours... Côté maintenance et entretien, je me laisse un peu aller. Il va pourtant falloir que je me mette sérieusement à mon problème de pilote auto.

Souvent, les soirées sont l'occasion de prendre des nouvelles de la famille et des amis. C'est toujours une joie de discuter avec des gens connus, de savoir que tout va bien pour eux, surtout lorsqu'ils nous annoncent qu'ils viennent passer une semaine aux Seychelles en septembre. Maman, Phil, on attend votre venue avec impatience. Parfois, lorsque les choses vont moins bien pour les proches, c'est un peu plus compliqué à gérer. C'est un problème auquel on devait déjà faire face à la Réunion, à 10000km de nos familles. On tente de réconforter, d'apporter un autre point de vue à leur situation. Et puis que pourrions nous faire de plus si nous étions physiquement plus proches ?

Plus rarement, on passe une soirée à terre ou sur un bateau ami.


A l'heure où j'écris ces lignes, nous projetons de rester encore quelques jours sur La Digue. Une bonne partie de cette petite île reste encore à découvrir avant de reprendre la mer.