Quel confort de voyager en jeep avec un guide ! On apprécie beaucoup mieux la traversée de la forêt de baobabs; les embouteillages monstres à la descente des hauts plateaux sur la Tan Road nous semblent agréables et on arrive directement devant les portes de l'établissement du lycée hôtelier régional...


Le lendemain matin, pas besoin d'entrer dans la réserve pour apercevoir des animaux. Les impalas traversent la route par centaines, une lionne prête à mettre bas se déplace lourdement sur l'accotement, des troupeaux de girafes sont visibles au loin, ça et là dans la plaine, sous les acacias géants. Cette journée dans le parc national de Mikumi s'annonçait prometteuse.

On n'a effectivement pas été déçus. Contrairement à notre traversée du Serengeti, la découverte de Mikumi se fera sans contraintes horaires. On peut prendre tout le temps que l'on veut pour observer les paysages et les animaux, pour manger à midi, pour explorer des pistes semi inondées dans la forêt.


Notre premier contact direct avec la faune locale se produit devant le campsite où nous nous étions arrêtés pour reserver les repas. C'est très drôle de regarder des singes aller piquer de la nourriture dans les jeeps des autres. Mais c'est beaucoup moins marrant de devoir les chasser de la notre ! Hurlements de Lulu, paralysée devant le regard plein de défi d'un jeune primate qui mange nos donuts; Tao m'appelle à la rescousse. Le chapardeur s'enfuit lorsque je monte dans le véhicule, abandonnant là le fruit de son larcin.

Avant de reprendre la voiture, on se paie le luxe de marcher un peu le long de la piste. Les animaux sont assez loin mais la sensation est fabuleuse. Il va sans dire qu'on n'ose pas trop s'éloigner d'un abri. Dans ce genre de parc, les prédateurs aussi vivent en liberté. Et quand je parle de prédateurs, je ne fais pas référence à de mignons petits chats, ni même à des renards.

Mais au final, le parc se révèle pauvre en carnivores. On aura croisé une bande de vautours (en vol ils sont impressionnants) festoyant sur le cadavre d'un buffle, une ou deux hyènes et une lionne solitaire, à l'affût, à qui on aura fait manquer sa proie. Ne nous remercie pas pour la diversion Pumba !

En revanche, la zone est véritablement envahie par les girafes. Certains groupes ici comptent jusqu'à 45 individus contre 5 ou 6 habituellement (dixit David, notre guide). Les zèbres, bien que relativement peu nombreux sont toujours aussi gracieux. Ces animaux me fascinent depuis qu'on en a approché de près lors de notre randonnée à Manyara.


Vers 13h, retour au campsite pour le déjeuner où une grande famille de phacochères nous attend. J'implique Tao dans une approche lente et respectueuse, les adultes commencent à venir à nous d' eux-mêmes, les petits suivent prudemment, et là BIM ! Les Bidochons débarquent en hurlant, en courant et font fuir nos nouveaux amis. Cette joyeuse famille française continuera à les pourchasser jusqu'à ce que le mâle fasse mine de charger un des gosses. J'avoue que la scène m'a un peu exaspérée.

Déjà, ne fais pas fuir les animaux quand des gens viennent là spécialement pour les observer. Et puis, au delà de l'inconscience du danger que les parents font courir à leurs gosses, je me demande s'ils auraient fait preuve de la même bêtise face à des sangliers dans une forêt française. Mais surtout, ils m'ont fait louper une superbe rencontre telle qu'on a pu en faire avec des singes ou des mangoustes par le passé. En tout cas, s'ils sont en quête de nominations pour les prochains Darwin Awards, ils sont bien partis.

J'avoue quand même que côté prise de risques un peu inutile, on a eu nous aussi notre petit quart d'heure de folie. Les berges du point d' eau artificiel dédié aux hippopotames et aux crocodiles sont sécurisées et il est autorisé de sortir des véhicules pour l'observation. Mais "sécurisées", c'est une notion toute relative pour un enfant de 4 ans. Il m'a donné quelques sueurs froides. Et arrive le moment où voir des hippos déféquer dans une grosse mare, ça fait chier Tao. Littéralement, j'entends. Après avoir évité de justesse une bonne dizaine de plongeons avec les crocos, voilà qu'il faut trouver un petit bosquet à l'écart, en pleine brousse, pour que le petit satisfasse ses besoins. Bon OK, les prédateurs ici se font discrets, mais sait-on jamais ? Un serpent ou un léopard, c'est si vite arrivé ! Du coup, sans pudeur aucune, on s'installe sous un arbre au plus près des trois jeeps présentes sur zone.


Autre arrêt et sortie de véhicule pour observer... Des scarabées bousiers. Vous savez, ceux qui font des grosses boules avec de la bouse d'éléphant pour draguer les femelles. Au passage on a droit à un petit cours de sociologie appliquée à ces insectes. S'écarter des pistes, sortir n'importe quand du véhicule, disons que ce n'est pas vraiment autorisé. Ou du moins, c'est très réglementé. Mais le parc accueille très peu de visiteurs et David s'octroie quelques écarts. Il a l'excuse d'être mandaté par son agence pour prendre des photos, et ce avec du très bon matériel. C'est tout bénef' pour nous, même si ça implique une vigilance un peu plus accrue envers d'éventuels prédateurs et envers les rangers du parc.

Mais pas besoin forcément de sortir des sentiers battus pour faire de belles rencontres, comme nous l'ont prouvés les éléphants. Nous étions sur le point de quitter cette partie de la réserve quand nous vîmes avancer à 100m de là une famille de pachidermes dans la savane. S'ils persistaient sur leur trajectoire, ils allaient couper la notre. Restait juste à adapter notre vitesse. Ils ont persisté, nous nous sommes adaptés. Et juste avant de traverser la piste à 3 mètres de notre véhicule, ils s'arrêtent à côté, pour nous observer. Étrange sensation que de se sentir comme des fourmis dans un terrarium, scrutés par des têtes géantes et piégés par des parois de verre.

Comme nous n'avions pas vu assez d'éléphants aujourd'hui, on croise une deuxième famille, juste derrière les bâtiments de l'état major du parc. Ils engouffrent paisiblement des kilos d'herbe bien verte à l'ombre des arbres. Nous hatisons la curiosité du plus jeune qui s'approche mais qui est vite ramené à l'ordre par sa mère. "Non, tu ne vas pas jouer avec eux, c'est l'heure de manger, on verra après !" Après, nous prenions la direction du sud de la réserve.


Tout se passait très bien, les groupes d'animaux au sud étaient plus éparses mais les points de vue splendides. Tout d'un coup, David écrase la pédale de frein et s'arrête juste avant de passer sous un arbre à saucisses, qui donne des "sausages fruits" ; et oui, ça existe. Notre guide nous dit à mi voix: "les babouins ont pris possession de l'arbre, si on approche, ils risquent de nous agresser". Il n'a pas l'air de plaisanter, je dirais même qu'il semble un peu anxieux. C'est vrai qu'ils ne sont pas commodes ces babouins: ils chassent les autres singes de l'arbre et nous regardent l'air belliqueux. Si les grands mâles super costauds décidaient de s'en prendre à nous, on passerait assurément un sale quart d'heure (le toit de la jeep est relevé et certaines fenêtres sont ouvertes). Ils auraient tout du moins la possibilité de défoncer l'auto. Nous retenons notre souffle, le silence est pesant. Passées 15 bonnes minutes, alors qu'ils semblent se désintéresser de notre présence, nous reprenons notre route.

Pour clore cette magnifique journée, sur la nationale que nous venons de retrouver, un grand panneau attire mon attention. Il annonce le montant des amendes que risque un automobiliste s'il percute un animal. Ce n'est pas le même prix selon l'animal renversé. Par exemple, pour un éléphant, c'est 15 000 US Dollars. Bon, une gazelle ou un phacochère, je veux bien. Un zèbre, à la limite. Mais un éléphant, sérieusement ? Il existe vraiment quelqu'un capable de se prendre un éléphant (ou une girafe d'ailleurs) sur une route droite et dégagée limitée à 50km/h? La Tanzanie est décidément pleine de surprises.