Après notre petite semaine à la montagne, nous avons décidé de prendre un peu de repos. Tanga est l'endroit idéal pour ça. Ni le mouillage ni les sorties à terre ne nous stressent. On a très vite laissé s'installer une agréable routine.

Le matin, pendant que l'un se charge de laver du linge (on a beaucoup de lessive en retard), l'autre fait la classe à Tao. On prend tous les jours une heure à étudier une famille de singes qui vient fatalement passer un moment à proximité de la plage. L'idée est de comprendre leur comportement, leur structure sociale, leurs habitudes, de faire amis-amis. Au bout de quelques jours, il y en a qu'on reconnaît facilement et certains d'entre eux semblent éprouver une curiosité réciproque à notre égard. Sans oser venir physiquement au contact, ils s'approchent de plus en plus et peuvent rester longtemps à nos côtés, à l'image du "grand frère" ou du "petit à la queue abîmée". On peut citer aussi le "patriarche" qui parfois vient noblement nous saluer et les 2 jeunes mères (plus une autre femelle qui a mis bas en milieu de semaine). C'est fascinant de voir à quelle vitesse leurs petits évoluent.

Une à deux fois par semaine nous allons en ville, faire nos courses. Au marché, on a vite sympathisé avec certains marchands qui commencent à connaître nos goûts et nos habitudes. Juste en face se trouve un supermarché presque parfait. On profite de cette journée, au besoin, pour changer de l'argent, passer à la foire aux vêtements et se faire un petit resto.


L'après-midi c'est sieste pour tout le monde jusqu'à 16h. Le soleil cogne trop pour faire autre chose. Sauf que Tao n'est pas toujours de cet avis... Il lui arrive même de nous demander de refaire quelques exercices d'école. Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour éviter la sieste ?

Vers 17h,on l'emmène jouer sur la plage. Il peut se baigner quand il n'a pas un énième bobo en cours de cicatrisation. Cet enfant est plein de vie et aime apprendre par lui-même. Pas question donc d'écouter ses parents. Voilà comment il se retrouve à se brûler la peau du cou en frottant un boute contre sa nuque, à s'érafler le genou en courant sur un muret... Rien de bien méchant en soi. Ça guérit bien. Mais en attendant, pas de baignade dans l'eau de mer qui creuse les plaies au lieu de les laisser cicatriser. C'est l'occasion pour lui de se faire des copains et pour nous de rencontrer du monde.

Le soleil se couche sur la baie, le moment est idéal pour déguster une bière bien fraîche ! Parfois les voisins sont là eux aussi. Après une journée bien remplie, c'est douche, retour au bateau, musique, dîner et au lit tout le monde !

Ce rythme nous convient à tous parfaitement. Il permet à Lulu de travailler son anglais en ligne. Tao étant toujours (ou presque) occupé à quelque-chose, il est plutôt agréable à vivre. Quant à moi, ça me donne l'occasion de démarrer un travail d'écriture qui me trotte dans la tête depuis quelques temps et de voir venir avant de préparer le prochain road trip.


On est à la veille de notre départ vers les grands lacs et je n'ai toujours pas vérifié la tente ! À 17h, il serait plus que temps ! Côté matériel de bivouac, trousse à pharmacie, vêtements, l'idée est d'être minimalistes mais efficients. Pas question de faire comme pour Lushoto et de se parer pour des situations improbables avec 1mois de fringues dans les sacs. Côté trajet et envies, les grandes lignes sont posées. On verra en chemin comment ça se passe. Premier arrêt, Arusha. On n'y passe qu'une nuit parce qu'on n'a pas le choix et dès le lendemain matin, on monte dans un bus pour Mto wa Mbu. Ces 2 jours de route (un jour et une matinée pour être précis) nous auront réservé deux belles surprises: le Kili qui laisse entrevoir ses neiges entre 2 nuages et un couple de zèbres qui, à 50km du parc le plus proche, traversent la route juste devant nous. Mention spéciale à Tao qui s'est globalement bien tenu durant ces interminables heures de bus.


Mto wa Mbu me semblait être un bon point pour débuter notre tournée des Grands Lacs par le nord. Située à proximité du Manyara, elle est au nord d'Eyasi et au sud de Natron. Mais elle occupe également une place centrale dans la géographie des parcs nationaux et les tarifs des logements s'en ressentent; la pression des rabatteurs aussi. Avec un peu d'aide, on trouve tout de même une chambre correcte (selon les critères en vigueur ici) à un prix abordable.

On prend quasi tous nos repas dans un bar-resto-club pas loin où on mange local, à prix local et où l'ambiance est vraiment sympa. Il paraît qu'à Mto wa Mbu les 120 ethnies de Tanzanie sont représentées. Au Scorpion Club, ça se vérifie à peu près. L'endroit est équipé d'une salle de billard (un seul billard). Tao se découvre une passion pour ce jeu. Il nous a vendu du rêve lors de notre dernière soirée en jouant avec les maasaïs. On n'a pas voulu prendre de photos pour ne pas gâcher l'ambiance magique qui régnait là, mais ça valait le coup d'œil !

Au lendemain d'une journée complète d'organisation de voyage et de promenades au hasard des rues, nous partons avec un guide, à pieds, en direction des rives du Lac Manyara. On découvre les cultures locales, on marche le long des canaux d'irrigation, on a le loisir d'observer plein d'espèces d'oiseaux et d'arbres. Ellyneema est un guide agréable, parlant français sauf pour nous citer le nom des espèces que l'on croise. On apprend à l'occasion comment la covid19 a entraîné la déforestation partielle de la zone. Je me demande combien Pfizer a généré de dividendes sur la même période...

Au terme de 2h30 de marche lente, nous approchons du lac. Je vous épargne les explications détaillées, toujours est-il que grâce aux fortes pluies de l'année précédente, les eaux se sont rapprochées du village et les animaux avec. On débarque là, au détour d'un chemin, deux zèbres broutent l'herbe rase, à vingt mètres d'une case pendant que 2 marmailles complètement indifférents jouent dans la cour. Les européens que nous sommes hallucinent un peu; mais ils ne sont pas au bout de leurs surprises. À l'extrémité du chemin, un grand espace dégagé (l'équivalent de 4 terrains de foot entourés de quelques habitations) nous ouvre la vue sur le lac. Ce grand espace est occupé par un troupeau de gnous et de zèbres. On aperçoit même une petite antilope. Et on a tout le loisir de se balader au milieu tout en s'approchant du lac.

On ne pourra pas mettre les pieds dans ses eaux alcalines: les berges sont trop boueuses pour nous permettre d'aller vraiment au bord,mais le spectacle et la vue sont magnifiques. 3 gnous nous cèdent gentiment la place à l'ombre d'un arbre, 3 marabouts font leur show, les pattes dans l'eau, les ailes déployées. À 200m de là, les pêcheurs trient leur pêche du jour pendant que d'autres font des aller-retours pour ramener le poisson au village. Les chiens du quartier aboient sur les vaches mais laissent les zèbres tranquilles...

Fort de toutes mes nouvelles connaissances sur l'agriculture et autres productions du terroir, je me mets en tête de goûter à la bière de banane brassée par la tribue des Chagas. Ellyneema me propose de nous accompagner dans un bar Chagas local pas très loin du centre ville. Heureusement que le guide était là car même si j'étais tombé dessus par hasard, je n'aurai jamais eu l'idée d'aller commander quelque chose ici. Abris de bois et de feuilles de bananier, entouré de cases, à 2 mn de la route principale, mobilier en plastique, ça ressemblait plus à un rassemblement de voisins et d'amis buvant dans de grands verres qu'à un bar.

On ne sait pas pour ce qui est de découvrir les modes de vie traditionnels de telle ou telle tribu, quelque part au fin fond de la brousse. Mais partager des moments de convivialité simples avec les gens de Mto wa Mbu (maasaïs, chagas, parés, merus, makongokés...) nous a beaucoup plu.

Lors de notre dernière nuit, contrairement à ce qu'on aurait pu croire, ce ne sont pas les moustiques mais un criquet qui nous a empêché de dormir (Mto wa Mbu signifie littéralement "rivière des moustiques"). Il était dans les rideaux de la chambre mais je n'ai pas réussi à mettre la main dessus. Il a chanté jusqu'à notre réveil à 5h30.


Nous avons pris une décision : se rendre aux lacs Natron et Eyasi allait s'annoncer beaucoup plus long, compliqué et coûteux que prévu. Du coup, quitte à faire fondre nos cartes bleues, autant le faire bien et partir directement vers le lac Victoria sans perte de temps... En passant par le Serengeti !

La crise du tourisme secondaire au covid aurait pu entraîner une chute des prix, mais non. La Tanzanie s'est dit qu'elle allait gagner autant avec moins de touristes... Ce qui décourage encore plus les touristes ! Le bon côté des choses c'est qu'en terme de confort au moins, on est servis. Un chauffeur guide francophone, un Land Cruiser avec toutes les options rien que pour nous et le boss de l'agence en personne qui gère toute la logistique. La journée est parfaitement orchestrée.

À 6h30 du matin, les babouins nous font une haie d'honneur à la sortie de la ville, ça commence bien (je parle de vrais babouins, je ne dénigre personne, entendons nous bien). Malheureusement, le temps est couvert et arrivés à 2500 mètres d'altitude, la vue sur le cratère du Ngorongoro est totalement bouchée. On redescend le versant ouest de l'escarpement, on repasse sous les nuages et la vue se dégage enfin. Quelle vue ! Nous étions subjugués sur les contreforts des Usambaras... Que dire ici ?

"à l'infini, tu t' éveilles aux merveilles, de la terre, qui t'attend et t'appelle..." Comme le chante Tao en boucle, c'est exactement ce qui nous arrive en passant sous la nappe de brouillard.

Des terres sauvages à perte de vue, une piste quasi déserte, quelques bomas (villages maasaïs entourés de murailles de ronces) éparpillés déci-delà, des troupeaux avec leurs bergers et déjà quelques animaux sauvages. Bref, nous traversons la NCA (Ngorongoro Conservation Area) où seuls les maasaïs sont autorisés à vivre selon leurs coutumes ancestrales. Bon avec quelques écarts plus ou moins bénéfiques. On leur a enlevé le côté guerrier. Les enfants sont censés aller à l'école au lieu de garder les troupeaux (non pour mendier ou vendre du miel dans des bouteilles en plastique) ; les hommes n'ont plus le droit de tuer les lions qui menacent les troupeaux mais doivent les signaler aux rangers qui sont censés déplacer les prédateurs...

Un peu moins de 2h de route plus tard, nous passons les portes du Serengeti. Petit arrêt pour valider nos permis ; le guide s'en charge et nous en profitons pour grimper en haut de la colline afin de profiter du point de vue. Et puis c'est parti pour 5h de pistes dans le bush. Mis à part les guépards, les léopards (bien cachés en pleine journée) et les rhinocéros (il n'y en a presque plus, même dans le parc), on croise tous les animaux qu'on peut espérer croiser dans la savane africaine.

Si je devais m'arrêter sur les plus marquants, je citerais le couple de lions installé sur le rocher. Enfin, la femelle était sur le rocher, le mâle était au pied, allongés tous les deux, majestueux. Il y eut le tête à tête avec la girafe en bord de piste qui s'est éloignée au galop alors qu'on repartait. Voir une girafe courir, c'est énorme. Je parlerais aussi des hippopotames. Pas de celui avec les lésions cutanées mais de ceux qui s'apprêtaient à retourner à l'eau, la mère avec son petit devant. Sur l'aire de pic-nique, ce sont les mangoustes qui venaient chiper de la nourriture en nous reniflant les pieds. Tao s'amusait à leur courir après; je crois qu'il a réussi à en toucher une mais je ne suis pas sûr. À ce propos, il m'a demandé d'écrire que les mangoustes ont une queue. C'est important, il ne faut pas l'oublier.

Et puis viennent les familles de phacochères, si belles, l'éléphante et son tout jeune éléphanteau qui s'éloignent du groupe sous l'arbre pour passer juste à côté de nous.

Tout l'après-midi, on a roulé vite et sans détours à travers le parc. On s'arrêtait rapidement seulement si ça en valait la peine. Rappelons que notre objectif était de rejoindre Mwanza avant la nuit. Après le déjeuner, il nous restait 300km à parcourir... Dont 100km de piste limitée à 50km/h. Tao s'est endormi une heure avant la sortie du parc. Entre Lulu et moi, l'ambiance était bonne. Nos échanges ressemblaient à une sorte de Kamoulox spécial animaux d'Afrique.


Nous sortîmes du parc, Tao se réveilla en pleurs. Nous restaient alors deux bonnes heures de route marquées par un premier aperçu du lac Victoria (baie de Speeke pour être précis) et d'une amande pour notre guide. Il nous a fait passer à 70km/h une zone limitée à 50. C'est l'occasion d'apprendre que la police locale est équipée de jumelles. Le progrès ne s'est décidément pas arrêté aux portes de la Tanzanie.

Nous arrivons à Mwanza peu avant la tombée de la nuit. Après la journée que nous avons passée, les embouteillages d'une grande ville nous laissent une drôle d'impression. Surprise agréable, l'hôtel où nous avons décidé de dormir n'a pas gonflé ses prix, tous les services annoncés sont disponibles, et, cerise sur le gâteau, la chambre dispose d'un deuxième lit double rien que pour Tao.

Nous avons donc 4 jours pour visiter Mwanza et ses environs, au bord du plus grand lac d'Afrique. Après cela, nous projetons de prendre un train de nuit pour nous diriger vers le sud.