Joyeux Noël à tous de la part de tout l'équipage. On vous souhaite des fêtes heureuses et conviviales. Et avec la nouvelle année qui s'annonce, pensez à réaliser vos rêves.

Ces lignes ont un peu tardé à venir, et pour cause : nous avons nous même tardé à revenir au bateau.


Je vous avais laissé à Mwanza, souvenez-vous. Après la partie de billard de Tao face aux maasaïs, nous avions traversé le Serengeti et atteint les rives du lac Victoria avec pour ambition de poursuivre quelques jours plus tard le périple en train. Il s'est avéré que prendre les billets était très compliqué et que les conditions de voyage auraient été beaucoup plus spartiates que ce que l'on attendait. Nous avons donc opté pour une longue journée de bus afin de rejoindre Kigoma.

Tout commença super bien, l'engin calé sur la barge à 7h du matin pour traverser le Golfe de Mwanza... Puis se furent 12h de route dont 8 sur des pistes défoncées avec un chauffeur qui se prenait pour un pilote de rallye. Forcément, le bus ne l'a pas mieux supporté que nous et tombe en panne à 20km de l'arrivée. Nous arrivons tout de même un peu avant la nuit, atteignant ainsi les rives du lac Tanganyika.

2 journées complètes d'escale à Kigoma avant de reprendre la route. Le MV Liemba ne navigue pas cette semaine, du coup, pas de croisière le long de la côte orientale du lac. J'avais envisagé le taxi boat, mais les gens du coin nous l'ont vivement déconseillé. Nous prenons donc la direction de Mpanda où nous passons 2 jours aussi. Et comme à chaque fois, il faut se lever très tôt pour prendre le bus. Le pire à ce niveau fut pour quitter notre étape suivante, Sumbawanga: lever à 4h30 du matin. Cette ville nous a servi de base arrière pour aller admirer les rives du lac Rukwa.

Une correspondance à Mbeya connue pour ses célèbres arnaques au transport et nous filons dans les montagnes, à Tukuyu, sur la route de Matema au bord du lac Malawi. Là encore, nous resterons 2 jours, dans un rustique petit bungalow posé sur la plage avant de quitter le dernier grand lac de notre périple.

Après une demi journée et une nuit de transit à Tukuyu, au frais, entre bananeraies et plantations de thé, nous voilà partis pour Iringa. Encore une région qu'on aurait voulu découvrir en profondeur mais les fêtes de Noël approchent, il nous reste beaucoup de route et la fatigue se fait douloureusement sentir. Le temps de vivre une expérience improbable comme seul ce voyage aime à nous octroyer et c'est en jeep que nous poursuivons, en direction de Mikumi, à la découverte de son parc aux mille et une girafes. Nous remettons alors le cap sur Tanga et Taoumé avec un arrêt forcé à Morogoro pour cause de bus bondés dans la chaleur étouffante des plaines.

Ce road trip s'achève ainsi le 23 décembre, après 3500km de route majoritairement effectués en transports publics et parcourus en 3 semaines et 4 jours. Les derniers jours nous auront forcés à puiser dans nos réserves et c'est épuisés et malades que nous retrouvons notre chez nous. L'expérience aura été intense à tous les points de vue. Éprouvante physiquement mais magique, magnifique, au delà de tout ce qu'on aurait pu espérer.

A Tanga nous attendaient notre bateau et notre dinghy comme on les avait laissés, ainsi qu'une bonne nuit de sommeil réparatrice comme seuls un mouillage calme et bien abrité peuvent en procurer et toute une flottille de nouveaux voisins français avec qui réveillonner.


Ca me prendrait des semaines à relater chronologiquement et exhaustivement ce "voyage dans le voyage". Ne m'en voulez donc pas si j'ai choisi de l'aborder un peu différemment. Tout d'abord, côté santé, rassurez-vous, rien de bien fâcheux à signaler. Tao a eu 2 journées de diarrhée entre Tukuyu et Mikumi sans retentissement objectif sur son état général. Pour Lulu et moi, il devait s'agir d'un bon coup de chaud associé à un bon coup de fatigue qui s'est fait particulièrement sentir à la toute fin du voyage. On commençait à accumuler les journées de déplacement inconfortables et les levés aux aurores. Voyant Noël arriver à grand pas, on a sacrifié les journées de vrai repos et même si les derniers trajets en bus étaient plus courts et les routes meilleures, on était sans cesse occupés à organiser l'étape suivante, chercher des hôtels et des restos dans des villes et villages inconnus, ou encore partis en excursion.

À cela s'ajoutaient la différence flagrante de climat entre les hauts plateaux du sud et les plaines de l'est, une mauvaise hydratation, les courbatures liées aux sacs et aux bus... Mais après un peu de repos sur Taoumé, ça allait beaucoup mieux.


Lorsque l'on évoque la Tanzanie, on s'imagine surtout la savane aride, d'immenses plaines à perte de vue dominées à l'occasion par un Kilimanjaro ou un mont Meru. Notre première intrusion dans les terres, à Lushoto, laissait présager un voyage un peu moins monotone et nous avons effectivement traversé des paysages d'une variété impressionnante.

Des plaines arides, nous sommes passés aux collines de granite (dont certains blocs défient toutes les lois de la physique) puis aux vallées fertiles et bien irriguées. Des hauts plateaux déforestés nous avons traversé des zones de moyenne montagne à la végétation luxuriante, quasi oppressante, inviolée, jusqu'à ce que la vue se dégage sur de larges prairies verdoyantes. De la forêt équatoriale humide aux rizières, du bush au désert, de 2 à 2000 mètres d'altitude, kilomètre après kilomètre, la Tanzanie nous dévoilait une nouvelle facette.


Mais comment se cantonner aux paysages lorsque l'on évoque ce grand pays ? Je l'avais un peu évoqué précédemment mais la diversité se joue aussi et peut-être même surtout sur les plans ethnologiques et culturels. Entre l'est et l'ouest la proportion de musulmans et de chrétiens (toutes confessions confondues) s'inverse sans pour autant faire preuve de séparatisme. Aux 120 et quelques ethnies recensées s'ajoutent des familles de réfugiés ayant fui les génocides des pays limitrophes (dont certains son francophones) et des fermiers de souche européenne installés là depuis des générations. Chinois et indiens se font discrets mais sont présents. Vu de l'extérieur, la Tanzanie semble entretenir une stabilité supérieure à ce que l'on peut trouver à la Réunion mais à l' échelle d'un pays plus vaste que la France. Et quand on demande aux gens comment ils ont réussi là où les pays voisins ont échoué, ils répondent invariablement la même chose : "on parle tous la même langue, le swahili".

Pourtant, ils n'ont pas oublié leurs "langues maternelles" (dénomination utilisée pour définir les langues tribales). Mais dès l'indépendance, la volonté politique fut d'instaurer une langue commune à tous. Du coup tout le monde peut se comprendre, tout le monde se parle, donc on évite la guerre. Je trouve ça simpliste, ils trouvent ça évident... Et ça fonctionne !

Un tanzanien à qui je faisais part de la richesse culturelle de son pays m'a très vite répondu : "plein de cultures, une seule nation". On n'a jamais entendu personne critiquer ouvertement les gens d'une autre tribue ou d'une autre région ou religion. Lorsqu'ils soulignent des différences de coutumes, comportements alimentaires et j'en passe, il n'y a jamais de jugement de valeur. On a eu l'occasion de discuter avec énormément de gens très différents et c'est une constante marquante.

En revanche, dans pas mal de couches de la population persistent de vieux a priori sur les blancs qui tendent parfois vers le racisme affiché. Je ne sais pas si les asiatiques par exemple y sont soumis aussi. On l'a quelquefois ressenti de manière très franche. D'autres fois c'est surtout notre susceptibilité exacerbée par la fatigue et la chaleur qui nous induisait sur une mauvaise interprétation de certains comportements. La plupart du temps, il s'agissait surtout de curiosité ou de méfiance, d'agacement face à notre swahili pitoyable ou d'amusement dans des situations pittoresques.


Si la mobilité de la population au sein du pays est une réalité visible (peu de gens ici passent leur vie dans le village où ils sont nés), on peut cependant noter différentes stratégies de développement économique propres à chaque région. Et l'état semble afficher la volonté d'harmoniser le tout sans laisser des coins du pays "à la traîne". C'est en tout cas l'impression que l'on a avec une vision extérieure et sans s'intéresser dans le détail à la politique tanzanienne.

En 3500km, on a pu observer des disparités qui s'expliquent lorsque l'on aborde certaines notions d'histoire du pays. Ainsi chaque région a plus ou moins son secteur d'activité de prédilection, généralement dans l'agriculture et l'artisanat. Ça peut être la pêche, le thé, l'élevage, la poterie ou encore le tourisme, l'import-export... À cela se greffe tout un tas de services développés de manière à peu près homogène sur le territoire. En revanche, on voit assez peu d'industries, et leurs productions semblent essentiellement destinées au marché intérieur.


Voilà ce que m'a inspiré ce road trip sur la Tanzanie en général; sachant qu'absolument tout ce que j'ai écrit est sujet à caution. Il s'agit juste d'impressions issues d'observations directes mais superficielles recueillies dans les quelques régions traversées sans chercher à faire d'investigations ni à étudier les points abordés.

Notre but était simplement de voir les grands lacs qui jalonnent le pays. Ce fut chose faite. Et en chemin, le voyage nous a offert une bonne dose d'émerveillement, de situations atypiques, des rencontres improbables, des émotions (parfois trop) fortes. À chaque étape, à chaque trajet, sa petite histoire.