Bonjour à tous. Désolé pour le retard, je comptais envoyer cet article dimanche mais nous avons passé quelques jours sans réseau et je n'avais pas pris le temps de le retranscrire à Dar. Il faut dire qu'on avait plein de choses à faire avant de quitter la capitale économique du pays et depuis, on navigue tous les jours. Je profite donc d'une journée off et d'une connection limitée pour vous envoyer ces quelques mots. Bonne lecture et à bientôt. 


Au petit matin, une saine tension se fait sentir. J'ai tout de même réussi à bien dormir en cette dernière nuit à la marina. On ne l'a pas fait depuis un mois et pourtant la routine des matins de départ n'est pas oubliée. Petit déjeuner, toilette, vaisselle puis on prépare le bateau: derniers rangements, on enlève les tauds des voiles, toiles d'ombrage et capotes de hublot. Enfin, on démarre le moteur et on met l'électronique en marche. On se répète le rôle de chacun à l'appareillage et 2h après le réveil, c'est parti.

La manœuvre est parfaitement exécutée. Il faut dire qu'il était difficile de la manquer. La place est super large, la coque est impeccable, il n'y a pas de vent... Ce dernier point nous convenait jusqu'à la sortie de la marina, mais passée la digue, il nous amusait nettement moins. C'était le début de 5h de navigation au moteur. On passe un appel à Javerne pour leur dire qu'on est parti et le cap est mis sur Bungi. Eux réussissent un temps à avancer à 3 nœuds sous gennaker mais finissent par passer également au moteur.

En dépassant Fumba on aperçoit notre destination... Surplombée de gros nuages noirs qui semblent déverser de bonnes quantités de pluie sur la zone. Ça me fait une deuxième bonne raison de ne pas couper entre les îlots de Menai Bay. Arrivant à marée basse, je trouvais déjà ça hasardeux et vues les conditions météo, autant contourner largement les obstacles et prendre son temps pour laisser le ciel se dégager.

Ce stratagème permet d'arrivée à destination vers 15h sous un soleil éclatant. Je mouille l'ancre pendant que Michel répète les appels à la VHF. Qu'est-ce qui se passe encore ?

"Vous êtes dans une zone militaire non référencée sur la carte. La dernière fois qu'on a voulu se mettre là, on s'est fait dégager par des types armés. Y'en a un qui est monté sur le bateau avec son flingue. Tenez, prenez ce point GPS, c'est un peu plus au sud et là on sera tranquille ! "

Me voilà bon pour relever le mouillage, me déplacer de 500m et rejeter l'ancre.


Le mouillage... Je n'étais plus en confiance. D'ailleurs, je n'avais pas remis le bateau à l'ancre depuis l'épisode Chapwani. Il s'avéra pourtant que mon ancre plate de secours a une bien meilleure accroche que la "soc de charrue" que j'utilisais jusque là. Et comme elle est un peu plus légère, une fois décrochée, le guindeau la remonte plus facilement... À condition de réussir à l'arracher du fond. Au bout d'une semaine, je décide carrément de la garder en ancre principale.


Bungi est un endroit magnifique. Le plan d'eau est calme, très bien protégé. La plage est quasi déserte et mise à part la cahute qui sert de relai entre les taxis et les dhows pour promener les touristes à la journée sur les îlots, on ne croise pas grand monde. En tout, il y a 2h d'activité relative le matin et autant le soir.

On se baigne à l'arrière du bateau dans une eau turquoise; ça faisait longtemps que ça ne nous était pas arrivé. Tao nage super bien et saute depuis le pont, ses réflexes vite retrouvés.

Un petit sentier désert longe le littoral. On l'a suivi tant que notre fiston le voulait avant de revenir au dinghy par la plage. On a croisé au début de la balade une maison devant laquelle 2 femmes lavaient des légumes et 3 carcasses de voitures qui ont laissé place à une végétation basse. Plus on avançait et plus les arbres grandissaient. Merci à eux, car en cette fin de matinée, un peu d'ombre était appréciable.

Alors que ce petit chemin se rapprochait de la côte, nous aperçûmes un bosquet de filaos et des petites paillotes à proximité. Sous l'une d'elles se reposait un pêcheur. C'était la troisième personne que nous croisions en plus d'une heure. Quel bien fou ça fait de disposer, à terre, d'un peu de nature rien qu'à nous. Ça n'arrive pas si souvent quand on y réfléchit. 

Suivre la plage à marée basse et dénicher des petits crabes avec Tao, quand il ne glisse pas sur les pierres mouillées... Pic-niquer à l'ombre d'une anfractuosité de la falaise, attendant que la marée remonte pour éviter de traîner le dinghy sur 50 mètres tout en profitant de la vue unique sur cette eau couleur émeraude et les petits îlots au loin. Et Taoumé qui s'invite dans ce décor de carte postale. 

Notre deuxième nuit à Bungi fut écourtée par un bref orage accompagné de 25 nœuds de vent à 5h du matin; sans incident à relever. Mais vus nos antécédents, tout l'équipage était sur le qui-vive. Y compris le mousse qui nous a bien fait sentir qu'il gardait un souvenir poignant de l'épisode Chapwani. Et au petit matin, plus rien. Pas un souffle d'air, ciel couvert. Avec Javerne nous décidons d'attendre pour mettre le cap sur Dar Es Salaam. 


Vers 10h, une petite brisette se lève enfin et on se lance. Dans ce petit temps, le cata de nos amis s'en sort ; mais nous, on se traine. 4h plus tard, j'abandonne et je mets le moteur. Son ronron nous bercera pour le reste de la journée. Mis à part le temps d'une averse (moins de 30 minutes), nous n'aurons pas à nous plaindre des courants d'air, mais le roulis est désagréable. 

L'atterrissage à Dar est une première pour nous et nous laisse impressionnés. Slalomer entre les porte-conteneurs parqués là afin de rejoindre la passe d'entrée de notre lieu de mouillage fut une expérience inédite. 


Nous voici donc au "slipway". Le mouillage fait face à une jetée au bout de laquelle se trouve une rondavelle qui propose des services aux bateaux de passage. Pas de chance, les prix ont très récemment doublé. Tant pis, on se débrouillera seuls au maximum. Mal protégé au nord, le mouillage est parfois franchement agité, mais ma vieille ancre fait un travail fabuleux. 

Il va sans dire que le quartier qui nous accueille n'est pas le plus défavorisé de la ville. "Slipway" côté terre, ça ressemble beaucoup à Éden Island (la marina des Seychelles). Des restos et des boutiques assez chers, des hôtels et des résidences de standing... Et en s'éloignant un peu, on tombe sur les ambassades ultra sécurisées bordant de larges avenues arborées. 

Mais ce qui nous intéresse à Dar, c'est qu'on y trouve tout. C'est l'occasion de dépenser plein d'argent: une ancre neuve (que je garde du coup en secours), de l'accastillage pour le bateau, un peu de matériel... Et un vélo pour Tao. Il l'attendait depuis si longtemps, le voilà comblé. 

Ici outre les centres commerciaux qui n'ont rien à envier à leurs homologues européens, il y a un immense quartier commerçant: Kariakoo. Cet énorme quartier est subdivisé en secteurs d'activités: vêtements, panneaux solaires, électroménager, literie, bâtiment... Cette ville est la capitale économique du pays et ça se voit. Mais je luis préfère tout de même Tanga, à taille plus humaine. 

Nous en avons aussi profité pour faire faire de nouvelles assises, pour le cockpit. Bien entendu, un des coussins n'était pas de la bonne taille et notre artisan a livré avec 3 jours de retard, ce qui explique qu'au final on soit resté un peu plus d'une semaine ici. Ce fut un mal pour un bien puisque ça nous a permis de revoir Alain et Sabine, sur leur bateau Galaxy. Ils étaient partis au Kenya fin novembre, nous nous étions quittés à Tanga avant notre tournée des grands lacs. En revanche nous louperons Umoja et Gaspard qui n'arriveront à Dar que bien après notre départ. Déception pour Tao. 


Depuis un bon petit moment maintenant, notre chemin et celui de Javerne suivent la même direction. Pour la suite, ils accueillent un couple d'amis à leur bord. N'ayant pas de coussins à attendre, ils partent un jour avant nous. Et n'ayant pas le même bateau, ils ne feront pas tout à fait les mêmes escales. De plus, ils arrivent à la fin de leurs visas et sont un peu plus pressés que nous. Cependant, nos plans sont similaires: descendre tout au sud de la Tanzanie avant de traverser le canal du Mozambique en direction de Mayotte.