Écrit par Lulu


Dernier levé de soleil encore loin des côtes. C'est tellement beau, j'aime ce moment au large. Et avec les côtes mahoraises en visu, c'est d'autant plus émouvant. Toujours au moteur, Tao se réveille à 5h, la journée va être longue.

L'approche des côtes m'est réconfortante. L'euphorie sera à son comble lorsqu'on se retrouvera escorté par une bonne dizaine de dauphins dansant devant l'étrave de Taoumé. Trente minutes de pur bonheur à mesurer la chance que nous avons de profiter de ce moment sur une mer d'huile, transparente.

Ju m'avait dit que Mayotte était souvent qualifié de plus beau lagon du monde. En tout cas, il y a de la vie sous marine ! Après la Tanzanie, je ne demande qu'à la re-découvrir. Nous apercevons d'ailleurs une forme bizarre au loin. Une bouée ? Un pare-battage ? Un énorme déchet ? Non, ce n'est qu'une énorme tortue presque entièrement sortie de l'eau, posée sur une autre tortue. Visiblement, nous assistons à un accouplement ! Bienvenue à Mayotte !


Bon, maintenant qu'on a bien profité, on s'affaire à la remise en ordre du bateau avant l'atterrissage. Nettoyage intensif du pont et du pare-brise car l'oiseau qui a passé la nuit en tête de mat nous a refait la peinture. Les voiles ne sont pas restées immaculées non plus... Ensuite, un peu de rangement dans le carré et notre cabine, puis je fais la vaisselle. On est maintenant dans le lagon, on s'approche de plus en plus des îles...

Mais c'est long. Une fois douchés, il ne nous reste plus qu'à surveiller la carte et les alentours. L'excitation de l'arrivée retombe et le café ne suffit plus à me maintenir en forme.

Vers 8h, je préviens les autorités de notre approche et de notre futur atterrissage estimé à 10h. Mon interlocuteur ne comprend que difficilement ce que je dis et pour cause: avec le moteur qui tourne, j'ai aussi du mal à l'entendre. Il prend mon numéro de téléphone pour me demander les infos habituelles. Comme nous devons retrouver Javerne devant la plage du Faré, je lui en donne la position. Nous jetterons finalement l'ancre un peu après 11h.

L'opérateur de Mayotte Traffic a l'air d'en avoir terminé avec nous et transmet mon numéro au maître de port qui m'appellera afin de nous informer des démarches à suivre.


Ju rêve d'un bon resto ! Une fois l'ancre mouillée, le dinghy regonflé et remis à l'eau, on file échanger avec Javerne quelques mots sur nos traversées respectives; eux étant arrivés la veille. L' équipage nous donne des conseils pour faire les tests PCR car ici ça traîne: ils n'ont toujours pas de nouvelles du maître de port. On est contents de se retrouver mais l'heure tourne et alors qu'ils s'apprêtent à déjeuner, nous filons à l' ACHM.

L' ACHM ou Association des Croiseurs Hauturiers de Mayotte est le yacht club de Dzaoudzi où l'on trouve toutes les commodités dont on peut rêver : douches, WC, bar et surtout des machines à laver ! Ça m'avait manqué en Tanzanie. Fini le lavage à la main pendant 4h d'affilées et les essorage à se tordre les poignets. Niveau restauration, un ancien cuisinier propose un plat du jour unique le midi, soit dit en passant délicieux et à un prix très correct. C'est à la bonne franquette nous a-t-on expliqué: à la fin du repas chacun fait ça vaisselle. Le plus ici, c'est le frigo, le congel et tout le nécessaire pour cuisiner soit même si l'on souhaite manger là le soir. Aussi, l'asso organise tous les jeudis une soirée ciné. Puisqu'on est cinéphiles, on s'y retrouvera rapidement. Pour Tao, il y a une draisienne, une trottinette et surtout des copains.

En tout cas c'est un bel accueil qui nous attend. Olivier reconnaît Ju et lui sourit tout de suite. En Tanzanie, ils s'étaient contactés par l'intermédiaire de Gilou pour commander de la chaîne. Il nous salue: "je t'ai reconnu à ta photo WhatsApp, dit-il à Ju. C'est pratique internet quand même".

Après discussion sur le fonctionnement et l'adhésion à l' ACHM, Jérôme, le barman/cuisinier nous propose gentiment, alors qu'il faut normalement réserver, un boucané saucisse ma foi excellent. Lors du repas, on rencontre quelques habitués, comme Jef, réputé pour sa tchatche naturelle, qui a beaucoup à faire sur son navire mais qui travaille surtout sur celui des autres.

Le soir, on retrouvera Philippe et Eve qu'on connaissait de la Réunion. On traînera un moment.


Après le déjeuner, on va faire nos tests covid. Où qu'on aille, on remarque que les mahorais ont oublié d'ôter les affiches du port obligatoire du masque. Ils ont l'air souples de ce côté là. Arrivés à la pharmacie, Ju et moi remplissons chacun notre fiche, le pharmacien refuse de tester Tao. En 2 mn, nos tests sont faits et nous attendons nos résultats 15 mn. C'est rapide et sur le chemin du retour on a le temps de s' arrêter boire un verre près d'une aire de jeux où Tao peut se mouvoir, il en a bien besoin.

À 17h30,le maître de port appelle pour m'expliquer les démarches à suivre au sujet des tests pcr et des papiers d'arrivée, mais il me rappellera seulement en fin de matinée le lendemain pour nous autoriser à débarquer. Je ne lui ai pas dit que les tests étaient déjà faits ni qu'on était à terre depuis quelques heures déjà, pourquoi contrarier ce brave homme ? De toute façon personne n'a cherché à nous voir, nous ou notre navire. Il paraît qu'à Mayotte la moitié de la population est clandestine, on se demande comment c'est possible. Sur le plan administratif nous devons remplir un document et le faire signer par la police aux frontières, à l'aéroport. Ça attendra lundi, nous avons d'autres choses de prévues ce week-end.


En terme de rencontre attendue, on se fait inviter pour l'apéro à bord d'Erebus X. Y vit une petite famille avec une fille de l'âge de Tao qui sera bientôt grande sœur. J'avais tellement hâte de les rencontrer et que mon fils puisse jouer avec une copine de son âge. Je les suivais sur leur chaîne YouTube depuis quelque temps car on a des points communs: couple avec enfant, ketch acier... Et puis j'aime bien voir comment fonctionnent les autres navigateurs.

Le lendemain, Javerne avait prévu d'embarquer Amandine, Fred et Charlotte (Erebus) pour mouiller devant l'îlot des aviateurs et y découvrir les fonds marins. On décide d'y aller aussi avec Taoumé.

Mini navigation au moteur pour cause de pétole et surveillance accrue des fonds: un véritable champ de mines ce lagon ! Nous ne souhaitons ni abîmer le corail ni voir Taoumé talonner sur une patate. Une fois à l'eau, on comprend mieux la réputation du lagon mahorais. Des petits poissons tropicaux, du corail coloré en abondance, des patates toutes plus belles les unes que les autres. Avec Tao sur le dos, à tour de rôle, on en profitera un peu.

À midi, nous mangeons sur Javerne où nous partageons un moment convivial. Très vite, Charlotte et Tao ne veulent plus se quitter. Une fois le ventre plein, nous regagnons notre bord pour nous diriger vers les îles Hajangoua où Ju ira plonger en snorkeling pendant que je reste à bord avec Tao qui s'est endormi.


Nous adorons naviguer et plonger mais le fait est que pour cela, nous devons aussi nous occuper du bateau. Nous nous calons donc devant l' ACHM où Jef nous avait dès notre arrivée assigné une bouée. Au programme de ces 2 prochains jours: formalités, lessives, ménage, découverte du coin pour faire des courses et le marché. Mais après l'effort, le reconfort: on accepte l'invitation d'Erebus pour une sortie au nord de la passe en S.

On avance lentement, au près, sans gite, le tout sur un monocoque. Il faut dire qu'Erebus est un ketch de 45 tonnes et 18m de long, ce n'est donc pas étonnant dans ce petit temps. Tout le monde est installé dans l'immense cockpit, profitant de l'ombre de la casquette et de la brise.

Amandine me fait visiter: c'est vraiment spacieux. Malgré notre mètre 80 respectif à Ju et moi, nous n'avons besoin de nous baisser nulle part. Leurs quartiers sont à l'arrière avec salle de bain, WC et 2 cabines. Les quartiers invités sont à l'avant, de l'autre côté du carré plutôt conséquent et du coin cuisine. Sur Taoumé, ce qu'il me manque ce sont des rangements. Et de la place pour permettre à Tao de se défouler, les garde-corps lui servant à faire le singe ou la chauve-souris ne suffisent pas.

Mais je m'égard, revenons à notre nav' dont on profitera jusqu'au coucher du soleil. Cette journée aura permis aux enfants de courir autour de la table et à Ju de faire une petite heure d'apnée. Nous aurons préparé un repas sympa avec Fred et Amandine, puis partagé un bon moment tous ensemble.


Au lendemain de cette belle journée de nav' dans la bonne humeur, nous décidons de découvrir Mamoudzou, la capitale sur Grande Terre, afin d'y faire quelques achats et commencer à regarder les scooters. Il nous en faudra un lorsqu'on aura du travail. Nous voulons aussi comparer les prix des grandes surfaces avec ceux de petite Terre.

Pour y aller, nous prenons la barge qui accoste juste devant notre mouillage et qui coûte 75cts par personne aller-retour. Il y en a une toutes les demie heure, laissant la possibilité d'embarquer en vélo, scooter ou voiture, le prix croissant proportionnellement à la taille du véhicule. Tao adore ce nouveau mode de transport. Et vus les tarifs piétons, nombreux sont les habitants de Petite Terre qui bargent sur Grande Terre pour faire le plein de fruits et légumes, le marché étant tout près du débarcadère. Le ciel peu ensoleillé nous laisse jouir d'une température agréable. Joli décor qui nous entoure: quelques îlots de verdure entourés d'eaux turquoises comme je les aime.

Le midi, c'est avec joie que nous déjeunons au resto choisi par Ju qui est plutôt doué pour les sélectionner. Nous pouvons dire que nous nous sommes faits plaisir, avec en prime une plateau de fromages tous plus goûtus les uns que les autres. Une fois bien régalés, on poursuit nos achats avant de rentrer.


Après l'effort, le réconfort (pour changer) : sortie bateau! Cette fois c'est Taoumé qui embarque les copains de Erebus. Nav' au moteur uniquement puisqu'on ne va qu'à 3 miles pour mouiller entre les blocs coralliens derrière le récif Nord-est. Amandine fera un saut à l'eau pour se rafraichir, Ju bossera son apnée tout en découvrant ce nouveau spot.

Cette première semaine est aussi l'occasion pour Tao d'apprendre à faire du vélo sans roulettes. Ju les démonte et on embarque le destrier à l' ACHM. La première journée fût mitigée mais dès le lendemain, d'énormes progrès se font sentir. Un enfant fier et heureux de pouvoir se déplacer ainsi. Il aura profité des copains plus âgés et bienveillants qui n'hésitent quand même pas à lui montrer des bêtises de grands. On fera de belles rencontres, je trouverai même un potentiel emploi, me permettant de garder Tao (et de lui faire l'école). Affaire à suivre...